Quelques citations glanées au fil des lectures, chacune éclairant depuis un nouvel angle l’édifice « valeur travail ».


Georges Navel

Huit heures d’usine suffisent pour absorber l’énergie d’un homme. Ce qu’il donne au travail c’est sa vie, la fraîcheur de ses forces, ce n’est pas seulement son temps. Même s’il n’a pas été malheureux en travaillant, s’il n’a pas pâti d’ennui ou d’un excès de peine, il sort usé, infirme, incomplet, l’imagination tarie.


Il y a une tristesse ouvrière dont on ne guérit que par la participation politique.

Moralement, j’étais d’accord avec ma classe.

Georges Navel, Travaux, 1945

Groupe Krisis

Les derniers obstacles  à la marchandisation complète de tous les rapports sociaux peuvent être éliminés sans soulever aucune critique, dès lors que quelques misérables « postes de travail » sont en jeu.

Manifeste contre le travail, Groupe Krisis (Robert Kurz, Ernst Lohoff, Norbert Trenkle), 1999

Karl Marx

Le travail lui-même est nuisible et funeste, non seulement dans les conditions présentes, mais en général dans la mesure où son but est le simple accroissement de la richesse ; voilà ce que démontrent les économistes, sans en être conscients.

Karl Marx, Manuscrits de 1844

Guy Debord

§27 : […] Ainsi l’actuelle « libération du travail », l’augmentation des loisirs, n’est aucunement libération du travail, ni libération d’un monde façonné par ce travail. Rien de l’activité volée dans le travail ne peut se retrouver dans la soumission à son résultat.

§40 : […]Ce déploiement incessant de la puissance économique sous la forme de la marchandise, qui a transfiguré le travail humain en travail-marchandise, en salariat, aboutit cumulativement à une abondance dans laquelle la question première de la survie est sans doute résolue, mais d’une manière telle qu’elle doit se retrouver toujours ; elle est à chaque fois posée de nouveau à un degré supérieur La croissance économique libère les sociétés de la pression naturelle qui exigeait leur lutte immédiate pour la survie, mais alors c’est de leur libérateur qu’elles ne sont pas libérées.

§47 : Cette constante de l’économie capitaliste qui est la baisse tendancielle de la valeur d’usage développe une nouvelle forme de privation à l’intérieur de la survie augmentée, laquelle n’est pas davantage affranchie de l’ancienne pénurie puisqu’elle exige la participation de la grande majorité des hommes, comme les travailleurs salariés, à la poursuite infinie de on effort ; et que chacun sait qu’il faut s’y soumettre ou mourir. C’est la réalité de ce chantage, le fait que l’usage sous sa forme la plus pauvre (manger, habiter) n’existe plus qu’emprisonné dans la richesse illusoire de la survie augmentée […].

Guy Debord, La société du spectacle, 1967

Giuseppe Rensi

Tous les hommes haïssent le travail. Nécessairement et avec raison : car – et c’est le nœud de l’enchevêtrement tragique dans lequel l’humanité se débat vainement autour de cette question – le travail est à juste titre odieux. Il n’est pas une chose noble, mais une nécessité inférieure de la vie de l’espèce, de l’existence du plus grand nombre et il répugne fondamentalement à la plus haute nature de l’homme.

Le travail est esclavage. La nécessité du travail est immuable. Par conséquent, l’esclavage est et sera et devra être immuable. Face à cette vérité, que l’esprit grec avait déjà clairement perçue et énoncée, il n’est pas d’issue.

Giuseppe Rensi, Contre le travail, 1923